Dès les premières lumières, dès les premiers sons, dès l'ouverture du rideau, toute la foule était fusionnée, captée par la scène. Le piano entammait les premières notes d'une chanson bouleversante. Les yeux rivés vers cette voix familière, qu'on a tant entendue tourner dans les radios. C'est une aimant, et nous ne sommes que de vulgaires bouts de métal, comme Il le dirait si bien.
Certaines personnes tapent dans leurs mains, d'autres dansent sur leur banc en chantant les paroles à tue-tête. Moi, je suis bien assise, les bras croisés, et je fixe la scène d'un air impassible, les yeux dans le vague. Je n'aime pas le spectacle, me direz-vous ? Vous vous trompez. Je le savoure, je le déguste, je bois les mélodies et les mots troublants. Mon coeur bat au rythme de cette musique. Je suis sur scène, je suis la musique, je suis le piano, je suis le chanteur, je suis la foule au complet, je suis l'ambiance. Je suis Ailleurs.
Dans ma tête défilent les textes de ces chansons si tristes et si véridiques. J'arbore un petit sourire en coin. Je ne fais que fixer la scène, j'observe. Chaque détail. Je respire la senteur du bonheur d'être musicien. Je respire l'odeur de la foule en délire. Je respire la fragrance de la musique. Et puis je me demande, comment c'est, d'être à sa place et de voir la foule qui est devant moi ? Comment c'est de se dévoiler à un public, à des groupies ? C'est alors que je ferme les yeux.
Je ne suis plus sur mon banc.
J'ouvre mes yeux, je suis sur scène. Je chante les paroles comme si elles étaient les dernières que je pourrai dire. Je suis aveuglée par toutes ses lumières braquées sur moi. Je ne vois que des centaines de pairs de yeux qui me fixent. Elles me dévorent. Elles me regardent et rien d'autre.
Je tends l'oreille et j'écoute les doigts de la dame au piano. Ils enfoncent les petites notes blanches une après l'autre. Je me laisse bercer par cette douce mélodie dramatique. J'écoute le violoniste qui se déchaîne derrière moi. Je me laisse aller et je fais même quelques pas de danse. Puis, la contrebasse fait son entrée. Une note lourde qui résonne dans le théâtre.
Je ferme mes yeux.
Je suis moi, et ça ne me suffit pas. Je veux cesser de sans cesse rêver. Je ne veux plus de ces espoirs. Je ne veux plus d'une vie imaginée. Je veux vivre la vie d'une musicienne. C'est ma seule raison d'être, et je serai.